Où sommes-nous ? Quelque part entre Orléans et Lamotte-Beuvron. La vie bat son plein, le café est bondé, les Solognots y sont plus nombreux qu’à l’église, paraît-il, à échanger les nouvelles. La guerre couve et les conversations s’enflamment. Puis c’est le conflit, à nouveau. Les Allemands avancent et, bientôt, Paris tombe. La France est occupée et la Loire, toute proche, forme une fragile frontière.
Un vent léger souffle, nous faisant oublier la chaleur de l’été. En haut des gradins, je vois toute la scène, la reconstitution de la place du village et de la grande rue dans laquelle pétaradent les camions et motos militaires. Je devine même les mouvements des figurants qui, habilement, déplacent les décors dans l’obscurité quand, sur l’écran géant, sont projetées les images d’époque. D’un tableau à l’autre, les événements défilent. Tantôt funeste, tantôt légère, la vie du village se déroule devant nous, avec ceux qui profitent, ceux qui pactisent, et ceux qui relèvent la tête.
Retour au spectacle, les mitrailleuses crépitent, l’action bat son plein. À la crainte et à la peur succède l’espoir. Les Américains ont débarqué et partout des foyers de résistants harcèlent et retardent l’ennemi. Les Solognots, solidaires, ont pris leur part, au mépris des dangers et au prix de vies sacrifiées. Après l’assaut final, la liesse de la Libération prend le pas sur le combat de l’ombre.
Absorbé par le spectacle et par l’atmosphère, je n’ai pas vu le temps passer. Au-dessus de nous, les étoiles brillent et emportent avec elles nos émotions. Il me reste ces images des figurants rassemblés dans la lumière des projecteurs. Ils sont des centaines devant nous les bras levés, sous la clameur de nos applaudissements qui ne faiblissent pas. Chacun voudrait que la nuit se prolonge, pour l’Histoire, pour l’éternité.